Article de la Tribune de Genève, 27 mars 2020

L’aide alimentaire d’urgence reprend des couleurs. Samedi, la mobilisation spéciale des associations du secteur, de la protection civile, de la Ville de Genève, de Carouge et de MSF, va permettre la mise sur pied quatre points de distribution. «Nous allons récupérer une situation inadmissible et insupportable», souligne le directeur du Centre social protestant, Alain Bolle. Il y aura bientôt trois semaines que, la mort dans l’âme, la plupart des associations actives dans le domaine ont interrompu leurs activités, mettant en difficulté environ mille familles, soit entre 3000 et 5000 personnes vivant déjà en situation précaire.

Michel Pluss, président des colis du coeur, explique ce qui s’est passé: «Chez nous, la moyenne d’âge des 80 volontaires assurant les distributions est de 73 ans. L’une d’elle a 92 ans. Nous ne pouvions pas les laisser continuer sans risque». Et ce d’autant plus que les locaux de la rue Blavignac ne permettent pas aux cent visiteurs, qui se croisent d’ordinaire chaque heure d’ouverture les mardis, de circuler sans se croiser. Le même phénomène s’est peu ou prou répercuté le long des nombreux maillons de la chaîne de l’aide.

Parfois paniqués, privé de leurs courses hebdomadaires en France et de la plupart de leurs lieux de restauration habituels, les clients ordinaires se sont en outre rués sur les rayons alimentaires des grands magasins genevois, ajoutant ainsi une couche au problème. «D’ordinaire, nous récoltons neuf tonnes d’invendus par semaine. La récolte est tombée à zéro. Mardi par exemple, il n’y avait plus rien, sauf chez Manor où les produits ultra-frais sont partis dans les abris», explique Marc Nobs directeur de Partage, qui fournit des vivres à 54 associations caritatives et services sociaux. Le café Cornavin, qui effectue des distributions hebdomadaires au parc Galiffe ou au parc des Minoteries, a pour sa part continué ses activités, informe son responsable, Glenn Benoudiz. Mais les denrées livrées étaient aussi moins nombreuses. «Mais la solidarité est en train d’arriver, Beaucoup d’initiatives se mettent en place maintenant», assure-t-il.

Pour trouver une solution, les partenaires ont uni leurs forces et appelé au secours la Protection civile, la Ville de Genève, Carouge et des experts. Avec l’aide de Médecins sans frontières (MSF), ils ont élaboré le concept qui sera inauguré samedi. «Nous avons préparé des parcours permettant aux gens de ne pas se croiser. En outre, ils sont informés qu’il faut venir sans enfants», résume Michel Pluss. L’aide alimentaire sera distribuée toute la journée sur quatre lieux par 80 volontaires, car, en tout cas, soulignent les différents interlocuteurs ce ne sont pas les volontaires qui manquent. «L’action est financée par les Colis du coeur et une grande fondation privée, acteurs que nous remercions», ajoute Serge Mimouni, directeur adjoint au Département de la cohésion sociale de la Ville. «C’est la deuxième importante action sociale de la Ville depuis le début de la crise, la première a porté sur l’hébergement d’urgence, qui a été complètement réorganisé et renforcé». La Fondation des Colis du coeur a pour sa part lancé une campagne de dons: «Le financement annoncé ne permettra de subvenir que pour une semaine d’actions. Pour le mois à venir, nous avons besoin d’un million, lance Michel Pluss.

Cela suffira-t-il? Alain Bolle craint que de nouvelles personnes n’aient rapidement besoin d’aide. «Des indépendants prennent des contacts exploratoires avec nous», dit le directeur du CSP. Que faire pour reconstituer les stocks de dons? Glenn Benoudiz lance une idée: «Pourquoi ne pas organiser un jour du Partage extraordinaire où les gens pourraient déposer leurs dons?» Pas si simple vu l’épidémie en cours. D’autres solutions pourraient émerger en attendant l’entrée en vigueur des différents plans d’aide annoncés.

Source: Tribune de Genève, 27 mars 2020